Antonio Machado1936

El crimen fue en Granada

Chanté dans le spectacleRetirada
Poème d'Antonio Machado

El crimen
Se le vió, caminando entre fusiles, Por una calle larga
Salir al campo frio, Aun con estrellas, de la madrugada.

Mataron a Federico Cuando la luz asomaba.

El peloton de verdugos No oso mirarle la cara.
Todos cerraron los ojos ; Rezaron : ni Dios te salva !

Muerto cayó Federico Sangre en la frente y plomo en las entranas

Que fue en Granada el crimen
Sabed – pobre Granada ! en su Granada

El poeta y la muerte

Se le vió caminar solo con ella Sin miedo a su guadana.
Ya el sol en torre y torre ; los martillos en yunque – yunque y yunque de las fraguas

Hablaba Federico Requebrando a la muerte. Ella escuchaba.

« Porque ayer en mis versos, companera,
Sonaba el golpe de tus secas manos,
Y diste el hielo a mi cantar, y el filo, en mi tragedia, de tu hoz de plata,

Te cantaré la carne que no tienes Los ojos que te faltan,
Tus cabellos que el viento sacudia, Los rojos labios donde te besaban.
..
Hoy como ayer, gitana, muerte mia, Que bien contigo a solas
Por estos aires de Granada, mi Granada.

Se le vió caminar
Labrad, amigos, de piedra y sueno, en el Alhambra, un tumulo al poeta,
Sobre una fuente donde llore el agua Y eternamente diga
El crimen fue en Granada, en su Granada !

Traduction
Le crime eut lieu à Grenade
Antonio Machado, octobre 1936

Le crime
On le vit marchant entre les fusils Par une longue rue
Sortir dans la campagne froide Encore étoilée, de l’aube.

Ils ont tué Fédérico Lorsque pointait la lumière

Le peloton de ses bourreaux N’osa pas le regarder en face.
Tous fermèrent les yeux, Ils prièrent : ni Dieu te sauve !

Fédérico tomba mort Du sang au front et du plomb aux entrailles

Et c’est à Grenade qu’eut lieu le crime
Savez-vous , pauvre Grenade, dans sa Grenade !

Le poète et la mort

On le vit cheminer seul avec elle, sans crainte de sa faux
Déjà le soleil allait de tour en tour,
Les marteaux d’enclume en enclume
Et l’enclume à la forge.

Fédérico parlait Il courtisait la mort. Elle l’écoutait.

Hier dans mes vers, ma compagne, sonnait le claquement de tes paumes desséchées
Tu as donné la froideur à mon chant
Et le fil de ta faucille d’argent à mes tragédies

Je te chanterai la chair que tu n’as pas Les yeux qui te manquent.
Tes cheveux que le vent ébouriffait Les lèvres rouges où ils posaient leurs baisers

Aujourd’hui comme hier, gitane, ma mort à moi
Qu’il est bon d’être seul à seul avec toi
Dans cet air de Grenade . ma Grenade

On les vit cheminer…
Façonnez amis, De pierres et de songes, au milieu de l’Alhambra
Un tombeau au poète Sur une fontaine où pleure l’eau
Et répète éternellement
Le crime eut lieu à Grenade … dans sa GRENADE